Quand les justiciables plaident leur cause seuls, sans avocats

De plus en plus de personnes se présentent sans conseil devant les tribunaux après avoir été simplement «coachés», en amont, par des avocats

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«On m’a demandé si j’étais juriste!» Diane n’est pas peu fière de sa prestation. Pour la troisième fois, cette jeune femme de 34 ans s’est présentée devant le juge seule. Et la semaine dernière encore, elle a obtenu gain de cause: la pension alimentaire que lui verse son ex-mari n’a pas été revue à la baisse contrairement à ce que celui -ci- et son avocat – demandait.

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Lorsqu’elle a entamé sa procédure de divorce, Diane, maman de deux enfants en bas âge, sans emploi, ne voyait pas bien comment faire face à l’ensemble des frais de procédure. Elle a finalement trouvé un avocat qui l’a simplement mise sur rails, «coachée», selon le terme à la mode. «Il m’a décrit par le menu ce qui allait se produire et comment se comporter à l’audience, raconte Diane. Heureusement que j’étais avertie du fait qu’il fallait gérer ses émotions, je me suis entraînée. Mais par ailleurs, je suis arrivée avec un dossier costaud, que nous avions préparé ensemble, contenant toutes les pièces nécessaires, et je crois que c’est capital; j’ai compris que le juge voyait défiler des dizaines de couples comme nous et qu’au moment de rédiger sa décision, il s’appuyait sur les éléments du dossier remis entre ses mains.»

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Diane est loin d’être la seule aujourd’hui à se rendre devant la justice sans être accompagnée par un avocat. Ainsi 1,2 million de procédures échappent chaque année aux robes noires – des problèmes de voisinage ou de baux, de reconnaissance de dettes, une multitude de conflits liés à l’après-divorce, ainsi que des batailles prud’homales, par exemple. «Avec la crise, de plus en plus de gens se présentent devant le tribunal sans conseil», explique Me Buchinger, avocat parisien. «Pour ceux qui ne peuvent pas bénéficier de l’aide juridictionnelle, les honoraires sont trop élevés. Mais le problème, c’est qu’ils arrivent trop souvent la fleur au fusil.»

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L’avocat a donc eu l’idée de lancer un réseau d’«avocats-coach» qui regroupe actuellement près de 35 professionnels et compte attirer une centaine de membres d’ici à l’été. Le principe est de diminuer environ par deux les frais pour le justiciable, tandis que l’avocat économise lui le temps d’audience et les longues heures passées dans les transports et les couloirs des tribunaux… «Même si la procédure est orale, le dossier écrit est essentiel dans une affaire, estime Me Buchinger, la plaidoirie fait plaisir aux avocats, mais elle est secondaire. Au civil surtout, un dossier, ce sont avant tout des pièces produites aux juges.» Pour autant, le juriste ne laisse pas ses clients-apprentis dans la nature.

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D’abord, il leur indique les bons instruments juridiques à mettre en avant. Une phase décisive, car les magistrats hésitent souvent à utiliser un argument de droit que le justiciable n’aurait pas de lui-même proposé. Ensuite, l’avocat reprend avec son élève le b.a.-ba du fonctionnement de la justice (comment va se dérouler l’audience, qui va prendre la parole en premier, etc.). «Je n’avais pas la moindre idée de la façon dont il fallait s’adresser au juge, et surtout l’appeler!», raconte notamment Leila, qui a attaqué le constructeur automobile chez qui elle avait acheté un véhicule défectueux dans lequel elle a investi plusieurs milliers d’euros de réparation en vain. Pour les introvertis plus susceptibles de perdre leurs moyens en public, l’Institut de droit pratique a même imaginé des fiches résumés ou même des vidéos de plaidoirie pour s’entraîner…

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Ce concept fait ses premiers pas alors que la profession a beaucoup bataillé au cours des dernières années pour élargir au contraire le champ dans lequel la présence des avocats était obligatoire, ­arguant du fait que l’implication d’un juriste allège le travail des juges. Les statistiques de la chambre sociale de la Cour de cassation montre en effet que le taux d’infirmation des jugements est moins important quand un avocat était présent dans la procédure. De quoi rassurer les robes noires sur leur utilité.*

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Par Laurence De Charette

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A lire sur LeFigaro.fr

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